Le Cheval cest lavenir couvCe petit livre de Jean-Louis Gouraud n’est pas impressionnant … 69 pages, ça devrait se lire vite … mais non, car le sujet, le cheval et l’équitation, nous intéresse vivement, et cet argumentaire dont la conclusion est : « les chevaux ont le droit de vivre » est à la fois une analyse objective de la situation de la filière et de son image actuelle, et aussi un foisonnement d’idées et d’arguments pour défendre notre passion commune !

J’exagère me direz-vous ! Peut-être pas si l’on s’en réfère à l’état des lieux un peu pessimiste établi par l’auteur : les attaques, les positions intransigeantes des végans, des animalistes et des antispécistes l’inquiètent. Pourtant les chevaux de trait sont encore utilisés, même s’il n’y a plus de haras nationaux pour soutenir cette branche. Pourtant la connotation élitaire du cheval est de moins en moins marquée. Pourtant les comparaisons de l’équitation avec la corrida, la chasse, les combats de coqs, semblent biaisées, puisqu’il n’y a dans notre pratique équestre, dans notre filière hippique, dans notre monde équin, ni mise à mort, ni cruauté, ni bas instincts encouragés. Cependant Jean-Louis Gouraud nous fait peur quand il dit que l’antispécisme a ses entrées à l’UNESCO. Et nous partageons son inquiétude quand il rappelle que les courses sont moins à la mode, que les compétitions sont critiquées, que les médias spécialisés sont à la peine, et que les médias grand public encouragent utopistes et extrémistes d’une cause animale aux motivations parfois douteuses.

Le Cheval cest lavenir 4eme couvHeureusement, il fait appel à ses renforts. Sylvie Brunel la première nous rappelle fort justement que : « la nature n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle est soignée et entretenue par l’homme ». Il cite ensuite les Assises de la filière cheval organisées en Novembre 2019 à Angers … mais le débat entre le représentant de l’ACTA, musicologue babacool n’ayant jamais touché un cheval (j’avais été le voir à la pause) et une scientifique de l’INRA certainement très pointue mais ayant été spécialiste de l’élevage du porc (et comme les poulets en batterie, ce n’est pas forcément une référence de bien-être animal) n’était guère convaincant, à part pour montrer l’incommunicabilité entre deux points de vue opposés. Puis Vanina Deneux nous dit que « la domestication ne se réduit pas à une domination de l’homme sur les animaux » … proposition bien compréhensible, dans la mesure où la domination est une négation de la relation. Elle poursuit en donnant pour but à la domestication de « réaliser une œuvre commune grâce au travail, chacun devant y trouver son compte ». Ce pourrait être un argument économique, peut-être difficile de l’appliquer au cheval ou au poney … D’ailleurs notre ami écuyer et érudit Patrice Franchet d’Espèrey a bien failli s’y arrêter, puis a poursuivi allègrement sa lecture, convaincu par les remarquables développements des idées de l’auteur. Car Jean-Louis Gouraud très vite nous rattrape : « Sans la domestication, le cheval aurait probablement disparu » faisant référence aux travaux de Ludovic Orlando sur l’ADN fossile. Et il ajoute une facette humaniste à son analyse : « En se dégageant par le travail de sa soumission à la nature, l’homme s’en est en quelque sorte libéré ». Ce qui lui permet de conclure sur l’homme et le cheval « couple indissociable, interdépendant », et ainsi nous rassurer !

Là est sans doute l’enjeu de la place du cheval dans la société, nous dit-il en nous conviant à réfléchir sur les notions d’emploi, de travail, d’utilisation. Comment faire comprendre à certains qu’il ne s’agit en rien d’aliénation du cheval, qu’ils oublient les bienfaits du compagnonnage, du jeu, de l’activité, et du cheval thérapeute, qu’ils ignorent les méfaits de l’inaction ? Jean-Louis Gouraud leur oppose alors l’équitation d’extérieur, dont il est expert depuis longtemps, rejoignant le regretté Henry Blanc, qui présentait le cheval comme « un moyen privilégié de contact avec la nature ». Puis-je y ajouter les valeurs de la tradition équestre française, basée selon sa définition par l’UNESCO sur le bien-être et le respect du cheval, sur la relation humain/animal intégrant échanges de sensations et psychologie du cheval, et sur l’optimisation de la performance d’un cheval athlète grâce à une équitation prônant l’économie de moyens … ?

L’auteur, à l’image de ce « diable d’homme » qu’est son ami Bartabas, sait nous faire réfléchir. D’autres questions me viennent à l’esprit. Comment faire toucher du doigt à ces antispécistes ou animalistes qu’ils ne connaissent rien à ce dont ils parlent ? Comment faire voir de près aux anti-cirques primaires, le fonctionnement et l’amour des animaux de ces grandes institutions du spectacle ? Comment faire comprendre que la chasse à courre, codifiée et réglementée depuis des lustres, est moins meurtrière que les tableaux de chasse à tir de gibier d’élevage ? Les écologistes citadins qui viennent au pouvoir dans les grandes villes Bordeaux, Strasbourg, Lyon, Grenoble, seront-ils capables d’intégrer intelligemment respect de la nature et de la biodiversité, de l’animal et de ses utilisations, dans des politiques publiques ?

Jean-Louis Gouraud entame la reconquête des esprits en rappelant que « Le cheval mérite autant notre respect que notre amour ». Puis il élargit le débat en expliquant que « l’histoire de la relation entre le cheval et l’homme est une succession de paradoxes ». L’extrême étirement de cette relation sur 35 000 ans, dont seulement 5 000 années de domestication est à prendre en compte. La peur réciproque entre ces deux espèces, en a constitué une étape. Mais aujourd’hui, l’homme a besoin du cheval pour montrer son appartenance au monde du vivant. Car cette relation est indispensable si l’on veut que l’homme reste humain et ne devienne pas un robot ! La conclusion est brève : ce sont 5 droits du cheval que tout professionnel, amateur ou simplement passionné devrait défendre. Elle est reprise en quatrième de couverture. Que de raison dans cette démonstration … Jean-Louis Gouraud a raison, mille fois raison !

BM 18 Mars 2021