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Auteur : L. Lansade, Ifce-Inra -

Janvier 2018

Le travail du cheval implique l'utilisation de renforcements positifs et négatifs dont il faut maîtriser le processus pour qu'il comprenne ce qui lui est demandé et progresse.

Lorsqu’un cavalier travaille son cheval, il met en jeu un certain nombre de conditionnements. Par exemple, il lui apprend à faire une association entre les aides du départ au galop et l’action correspondante. Au début des apprentissages, le cavalier doit utiliser systématiquement « des renforcements ». 


Le cavalier peut utiliser :

  • soit des « renforcements négatifs », lorsqu’il met une pression jusqu’à ce que le cheval fasse l’action escomptée,

  • soit des « renforcements positifs » lorsqu’il donne une récompense dès que le cheval répond.

A ce stade, si le cavalier arrête d’utiliser des renforcements (par exemple, il ne donne plus de récompenses), le cheval va arrêter de répondre à son cavalier. En effet, au début de l’apprentissage, le cheval agit dans le but d’avoir une récompense, on dit qu’il se fait « une représentation mentale de la conséquence de son acte ». Puis au cours de l’entrainement, à force de répéter les exercices, le cheval va progressivement se mécaniser : il va répondre dès que l’ordre est donné, par habitude, et sans même que le cavalier n’ait à utiliser de renforcements. Il ne se fait plus de représentation mentale de la conséquence de ses actes, en clair il n’agit plus dans le but d’avoir une récompense. Cette forme de « mécanisation » fait appel à un processus bien connu et très étudié dans le domaine des neurosciences : les processus de type « automatique » ou « habitude ». Ces processus sont mis en jeux dans de nombreuses situations, y compris chez nous, humains. Par exemple, un pianiste qui répète sans cesse ses gammes, un sportif qui répète les mêmes exercices, ou un conducteur qui emprunte tous les jours la même route, va finir par créer de tels automatismes. On sait même que ces réponses de type « habitude » sont sous-tendues par une structure spécifique du cerveau, appelée striatum dorso-latéral.

Connaitre l’existence de ces mécanismes dans l’espèce équine est important car cela permet de comprendre pourquoi certains chevaux vont davantage anticiper les demandes de leur cavaliers dans une reprise de dressage, tourner toujours au même endroit, ou terminer un parcours d’obstacle même s’ils n’ont plus de cavaliers sur le dos. Dans une série d’études que l’IFCE a réalisées, nous avons cherché à déterminer quels étaient les facteurs qui pouvaient favoriser ces processus (Lansade et al. 2017). Ces études sont basées sur des protocoles de conditionnements, qui jouent sur les notions « d’extinction » et de « contingence », une notion méconnue et pourtant importante à prendre en compte lors de l’entrainement des chevaux.

EXTINCTION - CONTINGENCE : 2 NOTIONS A CONNAITRE

Extinction : lorsque le cavalier n’utilise plus du tout de renforcements (par exemple, il ne donne plus jamais de récompense suite à une action précise du cheval), le cheval va généralement finir par ne plus effectuer cette action. On dit que la réponse s’éteint.

Contingence : probabilité pour le cheval d’obtenir une récompense suite à une action de sa part, par rapport à celle de l’obtenir en dehors de toute action. Lorsque l’on donne des récompenses « gratuitement » au lieu de les réserver pour récompenser une action précise, on dit que l’on «  dégrade »  la contingence. La conséquence est que le cheval va de moins en moins effectuer cette action. Cela peut être recherché dans le cas de thérapies chez l’animal afin de faire disparaitre des actions non souhaitées. En revanche, si le dresseur dégrade la contingence sans s’en rendre compte, le cheval va de moins en moins répondre à ses demandes, ce qui peut poser problème.

Stress et conditionnement

Cheval émotif et apprentissage
 
 
Les chevaux émotifs sont davantage prédisposés à développer des automatismes. Cela peut-être un atout pour l’entrainement, mais pourrait être aussi un facteur favorisant les stéréotypies (tics). © A. Laurioux, avec la participation d’O. Pulse

Le fait qu’un cheval apprenne dans des conditions stressantes ou bien qu’il ait développé une personnalité émotive, prédispose au développement des réponses automatiques. Cette prédisposition pourrait être recherchée par les cavaliers, puisque les chevaux se mécaniseraient plus vite, et répondraient aux ordres plus rapidement, sans même que l’on ait besoin d’utiliser de renforcements. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi les bons cavaliers apprécient de monter les chevaux émotifs, bien que ces derniers soient plus délicats.

En revanche, cette prédisposition pourrait aussi être reliée à l’apparition de stéréotypies, ce qui pourrait se traduire par une proportion plus importante de chevaux émotifs chez les tiqueurs et pourrait inciter à une meilleure prise en charge du bien-être de ces chevaux particulièrement exposés.

Références

Lansade, L., Marchand, A., Coutureau, E., Calandreau, L. 2017. Personality and predisposition to form habit behaviours during instrumental conditioning in horses. PLoS ONE 12(2) 10.1371/journal.pone.0171010

Henry S., Hausberger M. 2015. Synthèse sur les influences maternelles de la naissance au sevrage et applications aux conduites d'élevage. 41ème Journée de la Recherche Équine. Jeudi 12 mars 2015, Institut français du cheval et de l’équitation, 93-102

Roche H. 2013. Motiver son cheval, clicker traning et récompenses. Editions Belin 

Sankey, C., Henry S., Richard-Yris M.-A., Hausberger M. (2009). Le renforcement comme médiateur de la relation homme/cheval. In: 35ème Journée de la Recherche Equine, Les Haras Nationaux, pp.89-100.

 
Valenchon M., Levy F., Lansade L. 2013. Influence du tempérament sur les performances d'apprentissage et de mémoire du cheval : bilan de trois années de travail de thèse. 39ème Journée de la Recherche Equine. 28-02-2013, Paris , Institut français du cheval et de l’équitation, 147-150.