Association pour la Légèreté en Equitation

International Dressage & Equitation Association for Lightness

 

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Les progrès de la photographie et de la métrologie ont permis d’objectiver de façon de plus en plus précise les descriptions basées sur des ressentis et des observations visuelles. En matière de rassembler, ils permettent d’affiner une caractérisation du point de vue biomécanique, confrontés dans cet article aux  définitions de la FEI.

Logo ifce 300 pxNB: Cet article est issu de la lettre d'information "Avoir un cheval" de l'Ifce

Sommaire

 

Un peu d'histoire

Le point de vue scientifique complète les nombreux traités d’équitation et objective leurs descriptions. Les maîtres écuyers décrivent à travers leur doctrine les conséquences et les causes de l’attitude du rassembler pour en tirer une méthode de monte. Ces descriptions sont basées sur des ressentis et des observations visuelles.  Compte tenu de la limite de l’œil ou plutôt de l’interprétation du cerveau de ces dernières, il est souhaitable d’avoir recours à de la mesure.

 
J. Marey (1830-1904) est le premier à réaliser des mesures de la locomotion. Il met au point des appareils enregistreurs qui selon luirésolvent le double problème d’analyser fidèlement des actes que les sens ne sauraient apprécier avec exactitude, et d’exprimer clairement le résultat de cette analyse.  Le cheval est muni de chaussures exploratrices (figure 1) sur terrain mou ou de capteurs pneumatiques sur la partie supérieure des canons sur terrain dur. Le problème majeur de ces mesures a été le moyen de transmission des données à distance qui a été réalisé par des techniques telles que des stylets, tambours et tubes à air (figure 1).

 
 
Figure 1 : Chaussure exploratrice (J. Marey, 1873) composée d'une boule de caoutchouc maintenue par une pièce qui s'adapte à la ferrure. Lorsque la boule se compresse  par la frappe du sabot au sol, l'air s'échappe par le tube relié à l'appareil enregistreur que le cavalier tient à la main
 

Cette méthode lui a permis de décrire pour chaque allure l’ordre des posers, l’instant des appuis et des décollages, la durée des appuis, la longueur de la foulée (figure 2). Il met au point le fusil photographique qui lui permet de photographier à partir d’un seul objectif un être en mouvement sur douze poses. Puis il découvre à partir d’une méthode photographique la trajectoire parabolique décrite par le centre de gravité d’un corps articulé. Des expériences en parallèle chez l’homme avec G. Demeny en font les précurseurs des concepts de la mécanique dans l’analyse du geste.


A la même époque, Muybridge a recours à plusieurs objectifs pour décomposer des allures à grande vitesse. Ces travaux constituent un support très riche pour les scientifiques (figure 3) et les artistes.

Figure 2 : Graphiques et notation du trot d'un cheval. (La Machine humaine J. Marey, 1873). « Les appuis sont deux fois plus longs que les temps pendant lesquels le corps est suspendu au-dessus du sol. »
 
Figure 3 : cheval au galop, à différentes phases de la foulée (E. Muybridge)
 
 

La recherche de la locomotion équine va exploser dans les années 1970. Le matériel de mesure devient plus performant et la qualité des mesures progresse. Les études portant sur le cheval de dressage et reposant sur des mesures scientifiques font appel principalement à la cinématique. De nombreux travaux d’une équipe américaine (H. Clayton & al) et d’une équipe suédoise (Holmstöm & al) concernent la locomotion du cheval de dressage, décrite également à partir de mesures accélérométriques enregistrées en situation d’entrainement et de compétition (Barrey, Biau). Dans cet article, des résultats d’études scientifiques ont été collectés pour comprendre de manière objective la définition du rassembler du manuel d’Equitation :

 

Analyse du mouvement du corps

« Le rassembler est l’attitude du cheval en équilibre,…


Un corps est en équilibre si la projection verticale de son centre de gravité est dans la surface d’appui (polygone de sustentation).


prêt à déplacer sa masse dans n’importe quelle direction ou susceptible de travailler tantôt sur des bases longues, tantôt sur des bases courtes ».


Résumons cette première partie de la définition : le rassembler est une attitude favorisant le déplacement. Du point de vue biomécanique, favoriser le déplacement signifie :

  • créer un mouvement à partir de l’arrêt, peu importe la direction et la force, ou
  • modifier un mouvement  (freiner, changer de direction, etc).

 

Figure 4 : le cheval se rassemble dans diverses situations © DR

 

 

Le mouvement d’un corps est créé ou modifié par des forces produites au niveau de son centre de gravité.

Quelle est l’attitude optimale pour produire des forces au niveau du centre de gravité dans n’importe quelle direction ?

Prenons par exemple le saut. Le cheval comme l’homme, modifie son avant-dernière foulée ou son avant-dernier appui avant le saut pour modifier le mouvement. A l’avant-dernière foulée, le centre de gravité s’abaisse et la vitesse horizontale du cheval diminue au profit de la vitesse verticale. Chez l’homme, on observe également un changement d’attitude extrêmement bref à l’avant-dernier appui (figure 5)

 

Figure 5 : 3 phases de la course qui précèdent le saut (Bob Beamon, 8,90 m aux JO de Mexico en 1968). A l’avant dernier appui (image centrale) « le bassin descend »…Il s’agit d’un ajustement technique pendant la phase de liaison entre la course et l’appel, qui a pour rôle de modifier la trajectoire du saut. Attitude parfois appelée par l’entraineur « le ramener ».

 

A un moment précis, chez l’homme comme chez le cheval, une attitude optimale est recherchée pour gérer sa trajectoire et sa vitesse. Trois critères de performance sont à prendre en considération pour trouver le meilleur compromis : la vitesse, l’angle d’envol et la hauteur  du centre de gravité.

Le rassembler est une attitude qui se caractérise par une baisse du centre de gravité pour gagner de la mobilité en termes de gestion de la trajectoire et de la vitesse.

Figure 6 : Forces et centre de gravité
 
 

Le mouvement est créé à partir de contractions musculaires (figure 6) qui ferment les angles articulaires, provoquent les forces internes au niveau des articulations, ce qui modifie la force au sol. Cette dernière a pour conséquence une modification du centre de gravité. Cette force varie à chaque instant. Elle est fréquemment  traduite sur le terrain par « poids, transfert de poids, mettre plus de poids à l’arrière etc »…

Figure 7 : la force au sol. Ce sont les antérieurs qui sont souvent plus sollicités. Au repos par exemple, les antérieurs supportent 55 à 65% du poids du cheval et 45 à 50% pour les postérieurs. A la réception d’un saut , ces forces peuvent atteindre jusqu’à 400% du poids du cheval.
 
 

Ces forces ont été mesurées aux allures rassemblées (Clayton, 1994,1997 ; Biau, 2002    Weishaupt, 2009). Ces études ont mis en évidence le rôle élévateur des antérieurs et le rôle propulsif des postérieurs au trot rassemblé, tandis que le piaffer se distingue par une activité moindre avec un rôle freinateur des postérieurs (figure 8). Au galop rassemblé (Merkens, 1993;   Deuel & Park, 1990; Clayton, 1994), la force de poussée du postérieur diminue et équivaut environ au poids du couple avec un rôle déterminant de la direction, l’antérieur du diagonal est propulsif avec une force de poussée qui augmente (1,5 x poids) (figure 9). 

Figure 8 : Schéma des forces au sol au trot rassemblé, passage et piaffer (Clayton,2013 ; Biau,2002 ; Weishaupt,2009)
Figure 9 : Schéma des forces au sol au galop rassemblé (Merkens, 1993 ; Deuel & Park, 1990 ; Clayton, 1994)
 
 

Quelles sont les conséquences de ces forces sur les paramètres locomoteurs ?

Au trot, les auteurs (Clayton, 1997; Holmström, 1995 ; Biau, 2002) ont décrit une phase d’appui plus longue aux allures rassemblées de chevaux de compétition jusqu’à l’absence de phase d’envol au piaffer ainsi qu’une désynchronisation des diagonaux au trot (poser du postérieur 30ms avant le poser de l’antérieur) qui s’inverse au piaffer avec un antérieur à l’appui avant le postérieur. Les auteurs décrivent également une diminution à la fois de la cadence et de la longueur de foulée du trot rassemblé, contrairement à la description du règlement FEI qui préconise un maintien de la cadence. La difficulté à garder une cadence stable est moins importante au galop.

 

En conclusion

Le rassembler est une attitude qui se caractérise par une baisse du centre de gravité pour gagner de la mobilité en termes de gestion de la trajectoire et de la vitesse. Cette approche scientifique met en avant la notion de COMPROMIS dans la gestion de la hauteur du centre de gravité, de la trajectoire et de la vitesse…Les forces au sol induites par les contractions musculaires mises en jeu ont des conséquences sur les allures rassemblées principalement une diminution de cadence et des temps d’appui des membres qui augmentent.

 

Références

  • FEDERATION FRANCAISE DES SPORTS EQUESTRES, Manuel d'équitation, Editions Charles-Lavauzelle, 1974.
  • Barrey, E., Galloux, P., 1997. Analysis of the equine jumping technique by accelerometry. Equine Vet. J. 23 (Suppl.), 45–49.
  • Barrey, E. and Biau, S., (2002) Locomotion of dressage horses. The elite dressage and three-day-event horse, Conference on Equine Sports Medicine and Science 2002, p17-32
  • Biau S. (2002). Contribution à l’expertise de la locomotion du cheval de dressage par une méthode accélérométrique. Thèse de doctorat Sciences pour l’ingénieur ; Secteur de recherche Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Poitiers)
  • Clayton, H.M. (1994a) Comparison of the stride kinematics of the collected, working, medium and extended trot in horses. Eqine Vet. J. 26, 230-234
  • Clayton, H.M. (1994b) Comparison of the collected, working, medium and extended canters. Equine Vet. J. 17 (suppl.), 16-19
  • Clayton, H.M. (1995) Comparison of the stride kinematics of the collected, medium, and extended walks in horses. Am. J. Vet. Res. 56 : 849-852
  • Clayton, H.M. (1997a) Classification of collected trot, passage and piaffe using stand phase temporal variables. Equine Vet. J. 23 (suppl.), 54-57
  • Galloux P., Barrey E. Les composantes de l’engagement du cheval à l’obstacle , Equathlon, vol. 7, n°25, pp. 4-10 mars 1995.
  • Holmstrom, M., Fredricson, I. and Drevemo, S. (1994). Biokinematic differences between riding horses judged as good and poor at the trot. Equine Vet. J. 17, (Suppl.), 51-56
  • Homström, M., Fredricson, I. And Drevemo, S. (1994) Biokinematic differences between riding horses judged as good and poor at the trot. Equine Vet. J. 17 (Suppl.), 51-56
  • Homström, M., Fredricson, I. And Drevemo, S. (1995) Biokinematic effects of collection on the trotting gaits in the elite dressage horse. Equine Vet. J. 27, 281-287
  • Homström, M. And Drevemo, S. (1997) Effects of trot quality and collection on the angular velocity in the hindlimbs of riding horses. Equine Vet. J. 23 (Suppl.), 62-65
  • Marey J. La machine animale 1873 editions revue « EP. S »
  • Merkens, H.W., Schamhardt, H.C., van Osch, G.J.V.M., Hartman, W., 1993. Ground reaction force patterns of Dutch Warmbloods at the canter. Am. J. Vet. Res. 54, 670–674.
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  • Muybridge, E. (1899) Animals in motion, Editions L.S. Brown, New York.
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  • Weishaupt, M.A., Wiestner, T., von Peinen, K., Waldern, N., Roepstorff, L., van Weeren, R., et al., 2006. Effect of head and neck position on vertical ground reaction forces and interlimb coordination in the dressage horse ridden at walk and trot on a
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